jeudi 17 avril 2014

Ressenti de riverains - 1


Plusieurs habitants d’Ouroux ont découvert par hasard qu’une unité de méthanisation était à l’étude à la sortie nord du village. C’est la présence sur le site d’une personne effectuant des relevés topographiques qui a alerté les riverains. Aussitôt, rendez-vous a été pris avec des représentants de l’association de dix agriculteurs porteurs du projet, afin de comprendre de quoi il s’agissait et pourquoi personne n’en a été informé. Dans un grand pré en bordure de route (RD 18), traversé par la Grosne, devraient sortir de terre deux structures de six mètres de haut (hauteur du dôme non comprise) et de vingt mètres de diamètre environ (cuve cylindrique en béton et dôme en plastique), cinq bâtiments légers, des fosses de stockage des fumiers et lisiers avant et après traitement, un bassin de sécurité incendie, un bassin de rétention…

Le principe de la méthanisation consiste à transformer par fermentation des matières d’origine animale et végétale en biogaz (dans le cas présent, il s’agirait de 8500 tonnes/an, soit 26 à 28 tonnes/jour). Ce biogaz, composé essentiellement de méthane, alimente une turbine entraînée par un moteur, afin de produire de l’énergie sous forme d’électricité (revendue à ERDF) et de chaleur (à rentabiliser d’une manière ou d’une autre pour que le projet soit viable).

Les riverains se sont aussitôt alarmés de l’emplacement retenu (les maisons les plus proches seraient à 50 mètres seulement du site), en bordure d’une rivière classée (à 35 mètres seulement de la Grosne), entre la montagne de Gros-Bois et le sentier du bûcheron, dans un lieu particulièrement préservé et sensible, parcouru par les marcheurs – chemin de saint Jacques de Compostelle. 
La vocation touristique d’Ouroux, l’activité de ses gîtes – communaux et privés – seraient mises en péril. 
La dégradation irréversible du paysage, la multiplication des nuisances (visuelle, sonore, olfactive) dévalueraient considérablement le patrimoine immobilier et environnemental des lieux. 

 Chemin de Saint Jacques de Compostelle : 190 mètres du site d'implantation
                                                                                                                                                   photo:olivier Albert


Il faut préciser qu’Ouroux se trouve en fond de vallée, dans un couloir de circulation des vents dominants. Cette configuration géographique très particulière (Ouroux ne signifie-t-il pas « oratoire », à l’origine ?) explique le caractère aberrant d’un tel projet : les unités de méthanisation sont construites en terrains plats et aérés, pas dans des goulets cernés de montagnes amplifiant les bruits et empêchant les odeurs de se disperser. Ajoutons qu’un certain nombre d’unités de méthanisation sont construites à la ferme, évitant le transport des matières, et que les nuisances liées à de telles installations sont assumées par les fermiers eux-mêmes, sur leur domaine, et non imposées à une population qui ne demande qu’à vivre en paix, dans un cadre qu’elle a choisi.

Compte-tenu du fait qu’à partir de 30 tonnes/jour de matières transformées, une enquête publique s’impose, on peut se demander si les porteurs du projet n’ont pas souhaité rester en-deçà de ce tonnage afin d’éviter toute concertation avec les riverains et les habitants. Un véritable échange citoyen sur l’intérêt et la validité de ce projet n’aurait-il pas été souhaitable ?

En outre, le maire du village étant à la fois propriétaire du terrain, partie prenante dans le projet et habilité à donner son avis pour la construction de l’unité après accord des bureaux d’études préliminaires, sa posture manque de clarté et entoure le projet d’une certaine opacité.

Le maire annonce que la commune serait intéressée par le rachat d’une partie de la chaleur produite par l’unité de méthanisation. Il compte mettre à l’étude un réseau de chaleur qui chaufferait les bâtiments publics. 
Qui paiera cette étude ? 
Les porteurs du projet privé qui revendront cette chaleur au village, ou bien la commune ? Et combien coûteront au contribuable les travaux d’installation du réseau ? 
Le partenariat de la commune avec l’unité de méthanisation serait-t-elle une nouvelle erreur  quand bien des communes environnantes (Matour, Tramayes) font la preuve que la filière du chauffage au bois est une alternative au fuel dans notre région forestière ? 

On évoque également la possibilité pour l’usine de revendre directement son gaz à une imprimerie qui s’installerait à Ouroux. Notons que cet autre projet de nature privée – qui joue les Arlésiennes depuis des années – accroîtrait le trafic des camions dans le village et serait lui aussi dommageable à la qualité de vie des habitants…

De nombreuses questions concernent également la gestion du site : une telle usine comporte des risques sanitaires, biologiques et accidentels  : prolifération des mouches, bactéries, fuites, émanations de gaz, explosions...

Pourquoi par ailleurs certains paysans vertueux, dont les fermes sont exemplaires, ne font-ils pas partie du projet et y sont-ils même opposés ?

Car la question se pose : à Ouroux, le paysage a déjà été pollué par des épaves industrielles publiques (station d’épuration) ou privées (poulaillers industriels). Comment ne pas craindre qu’une unité de méthanisation conçue pour quinze ans, dont le moteur doit être remplacé au bout de sept ans, et qui présente des dangers (classée 2 sur l’échelle des risques) ne soit difficilement gérée par les agriculteurs, ne s’avère trop coûteuse dès qu’elle sera vieillissante et ne soit finalement abandonnée ?

Autant de préoccupations et d’inquiétudes devraient peser lourd dans la balance des cœurs et des consciences. 

C’est à l’aune des prés, de la rivière, de la forêt, des chemins, du village niché dans ce qui lui reste d’écrin, et de la relative qualité de vie de ses habitants que devraient être pesés de tels projets, non à l’aune de finances privées. 

Certes, on prétend que la méthanisation est une alternative au nucléaire… mais cet argument est valable dans certains contextes, pas dans tous les cas.

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