samedi 9 août 2014

Ignorance ou désinformation ?



À propos du projet de méthaniseur collectif de SAS Grosne Biogaz sur les rives de la Grosne à Ouroux et de son site www.methagrosne.fr



Lors de la «concertation» du 10 Juillet, les dés étaient pipés. En effet, le but affiché de SAS Grosne Biogaz était : « Recueillir, sur les 4 thèmes [odeur, son, transport, paysage, NDR] les craintes, les questions, les propositions.
La synthèse qui sera remise aux participants, aidera Grosne Biogaz à faire évoluer son projet... »
Il s'agissait exclusivement de faire évoluer ce projet, pas de le remettre en cause.
La manœuvre était manifeste. Il semble que toute la démarche de ce projet soit de la même veine.

 

Pompiers pyromanes


www.methagrosne.fr annonce : « Nos fumiers produisent du méthane. Ce gaz a un effet sur le réchauffement climatique 24 fois supérieur au gaz carbonique (CO2). Piéger et utiliser ce méthane, c'est réduire l'effet de serre. Grâce à la méthanisation, c'est 815 tonnes d'équivalent CO2 qui sont en moins dans l'atmosphère…».
D’après leurs chiffres, leurs fumiers dégageraient naturellement 815 t/24h = 34 tonnes de méthane.
Or avec leur méthaniseur, c'est environ 300 tonnes qui en seraient produites.
En effet, leur production électrique annuelle annoncée (1096 Mwh) et à raison d'environ 0,3 kg de CH4 par kwh électrique utilisera 1096 X 0,3 = 330 tonnes de méthane environ.
Certes, ce méthane devrait être brûlé dans le cogénérateur, fournissant électricité et chaleur.
Mais que fait-on de cette chaleur en été ?
Le simple bon sens voudrait que le cogénérateur soit arrêté. Et alors, le méthane sortant de la cuve, qu'en fait-on ? On le stocke ?
Attention aux pertes dans l'atmosphère, qui rejetteront précisément, ce gaz à effet de serre tant décrié par www.methagrosne.fr !
Quant au risque d'explosion, c'est aux voisins de le gérer ? Les porteurs du projet habitent tous à plusieurs kilomètres du site… 

N'y-a-t-il donc pas d'autre solution pour les fumiers de ferme ?  
Le compostage en est une.
Rappelons brièvement qu’il nécessite juste quelques gestes simples : un émiettement du fumier, sa disposition en tas aérés de forme pyramidale ou en andains de hauteur inférieure à quelques mètres et un retournement au bout de quelques semaines.
C'est tout, et ça se fait à la ferme !
La fermentation aérobie y est ainsi favorisée, minimisant la formation de méthane qui résulte, elle, d'une fermentation anaérobie.
 

Des sols maltraités


Continuons sur l'aspect agronomique.
SAS Grosne Biogaz annonce qu’elle va : « produire des digestats sans odeurs agréés en agriculture biologique et qui ont des valeurs fertilisantes supérieures au fumier pour nourrir les champs.»

Évoquons rapidement les odeurs : comment comprendre que les digestats riches en azote ammoniacal volatil puissent être sans odeurs ?
« Agréés en agriculture biologique » ? Effet d’annonce mais c’est une nouvelle fois aller vite en besogne. Nous vous renvoyons à ce sujet à un article concernant le statut juridique du digestat en France : « A ce jour, les digestats de méthanisation sont considérés comme des déchets par le code de l'environnement en raison de leur provenance d'installations classées au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Leur utilisation en tant que fertilisant n'est possible que dans le cadre de plans d'épandages contrôlés, le statut de déchet en interdisant la commercialisation et la libre circulation (…) L'obtention du statut de « produit » est subordonnée à une homologation en tant que matières fertilisantes ou supports de culture (…). L'instruction des demandes est conduite par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, Anses. Au terme de cette instruction, qui peut durer de 6 à 8 mois, l'Anses transmet son avis au ministre de l'Agriculture qui peut délivrer une homologation ou une autorisation provisoire de quatre ans. » (CF. http://www.campagnesetenvironnement.fr/methanisation-faire-evoluer-le-statut-juridique-des-digestats-6459.html)

La question qui se pose ici est celle de la réelle valeur agronomique des digestats.
Les affirmations péremptoires de SAS Grosne Biogaz
, celle ci-dessus et la suivante : « Le digestat a des propriétés presque identiques au fumier pour nourrir le sol » sont bien loin de faire l'unanimité dans le monde agricole.

Les digestats, résidus de fumiers ou de plantes ayant, par passage au méthaniseur, libéré du méthane (CH4), sont très appauvris en carbone (C), donc en matière organique. Or c’est précisément cette matière organique qui est nécessaire aux sols pour s'humifier (faire de l’humus) et s'associer à l'argile, garantissant ainsi leur fertilité et leur résistance à l'érosion (CF. : Chambre d'agriculture 67 : La fertilité des sols : l'importance de la matière organique www.bas-rhin.chambagri.fr/fileadmin/documents/Environnement-Innovation/AB/Guide_des_amendements_organiques_CA67.pdf).

SAS Grosne Biogaz poursuit ainsi :
« La seule différence (avec le fumier, NDR), c’est que l’azote qu’il contient est ammoniacal, donc directement assimilable par les plantes, ce qui évite les pertes s’il est épandu au sol au moment où la plante peut l’absorber ».

 

Restaurer les sols et diminuer le CO2 atmosphérique


Selon l'agronome Claude Bourguignon, la quantité moyenne de matière organique des sols en Europe, a déjà chuté d'un taux de 4 % en 1950 à 1,6 % de nos jours ! (CF. : www.dailymotion.com/video/x19e8vp_que-faire-arte-reponse-de-claude-bourguignon-et-lydia-bourguignon-08-01-2014_tech)

Puisque la matière organique des sols a chuté à 1.6 %, dégageant une grosse quantité de CO2, il serait au contraire possible de la restaurer ce qui diminuerait la quantité de gaz à effet de serre (CO2) dans l’atmosphère : « (…) l’agriculture n’a pas besoin d’azote mais de carbone (…) » Claude Bourguignon (CF. https://www.youtube.com/watch?v=K7wbDr_P8NU – 15’30) ce carbone provient/proviendra de l’atmosphère.

Une élévation de 2 % de cette matière organique représente approximativement 60 à 80 tonnes de matière organique supplémentaire par hectare, soit un tonnage du même ordre de grandeur de CO2 qui serait retiré de l’atmosphère (CF. : Chambre d'agriculture 67 : La fertilité des sols : l'importance de la matière organique www.bas-rhin.chambagri.fr/fileadmin/documents/Environnement-Innovation/AB/Guide_des_amendements_organiques_CA67.pdf)
Les digestats sont très minéralisés, leur utilisation sera délicate, voire difficile, pour éviter les lessivages d'azote ammoniacal dans les eaux souterraines et de rivière. En ce sens, épandre du digestat n'est pas a priori faciliter la tâche de l'agriculteur. C’est plutôt dégrader encore plus la qualité des eaux déjà bien affectée par des pratiques agricoles tels les recours répétés voire systématiques aux herbicides, le glyphosate entre autres, produit actif du round up de la firme américaine Monsanto (CF. : Le monde selon Monsanto de Marie-Monique ROBIN).

Les digestats ont un effet sur la structure des sols qui restera en tous cas délétère.
 
   

Le méthaniseur augmenterait encore la quantité de CO2 de l'atmosphère

 

La baisse supplémentaire de la quantité de matière organique des sols se traduira par une augmentation de taux de CO2 en provenance de ce carbone que jusqu'à présent, ils contenaient encore.

Ajoutons le CO2 émis par la consommation des 5 000 ou 10 000 litres de fuel qui seraient nécessaires pour le transport des matières jusqu’au méthaniseur et le retour dans les fermes des digestats ainsi que pour leur épandage « savant» dans les champs.

Nous sommes loin des prétentions de SAS Grosne Biogaz sur la réduction des gaz à effet de serre et de la consommation énergétique…

 

Faire du système de chauffage de la commune un cas de réelle transition énergétique


Toujours sur www.methagrosne.fr, pouvons-nous lire : « Créer une synergie entre village et méthanisation ».
C'est assez mal engagé de ce côté-là, semble-t-il...
Qui en veut vraiment, de ces transports multi-quotidiens et à longueur d'année, de tous ces fumiers, près du village ?
Pas grand monde et à juste raison en ce qui concerne les nuisances.

La question des économies sur le budget chauffage de la commune (actuellement environ 40 000 litres de fuel par an) est une autre juste raison de s'opposer au méthaniseur.


Car pour un coût moindre, il existe des centrales de cogénération à bois (plaquettes) de puissance 45 kw électrique. Elles consomment 1kg de bois par heure et par kw électrique (www.holz-kraft.de).
La puissance thermique délivrée est de 120 kw, soit celle correspondant aux besoins de chauffage des bâtiments communaux.
Si l'on considère bien sûr que le chauffage n'est nécessaire que sur la partie froide de l'année, la moitié par exemple, la consommation de bois serait alors de 24 h X 183 jours dans l’année X 45 kg de bois = 198 tonnes de bois.
C'est la production annuelle d'une trentaine d'hectares de forêts mi- feuillues, mi- résineuses dans notre région.
Ce système qui donnerait une production électrique annuelle de 198 Mwh, aurait certainement un coût inférieur à la seule subvention (360 000 euros) escomptée par les promoteurs du méthaniseur. Voilà une bonne occasion de faire des économies d'argent public.


Malgré toutes les précautions langagières de SAS Grosne Biogaz, ce sont bel et bien 15 ha de cultures qui seront tous les ans dédiés à la méthanisation.

 
Si ces agriculteurs n'ont rien à faire de ces terres, qu’elles soient boisées ! Tout en les régénérant, cela contribuera à terme à l'approvisionnement énergétique local.
Les arbres produiront du bois, dont du bois-énergie, avec des bienfaits écologiques sur tout l’écosystème, notamment sur la qualité des eaux, ce que n'apporteront jamais les cultures énergétiques, bien au contraire.
Bien sûr, on pourrait aussi cultiver ces terres pour l'alimentation humaine ou les céder à des agriculteurs désireux de le faire.
 

Autre possibilité : cultiver plus pour l'alimentation animale au lieu d'importer pour cela des protéagineux venant de l'autre bout du monde (Brésil, Argentine notamment). Dans ces pays, les habitants, les paysans, sont chassés de leurs terres par de très gros investisseurs qui cultivent sans aucune considération environnementale et humaine, d'immenses étendues de soja par exemple, à destination des marchés européens de l'alimentation animale.
D'ailleurs dans ce débat, la question de notre surproduction tout comme de notre surconsommation de produits animaux, notamment des viandes, mérite aussi d'être posée.

Enfin, en ce qui concerne la production électrique, 1m² de panneaux photovoltaïques dans notre région fournit environ 100 à 120 kwh/an d’électricité.

Moins d'un hectare de ces panneaux fournirait autant d'électricité que le méthaniseur de SAS Grosne Biogaz… à comparer aux quelques 500 à 1000 ha des agriculteurs de SAS Grosne Biogaz.
 

Il y a, dans nos campagnes, certainement beaucoup mieux à faire qu'implanter des méthaniseurs...