vendredi 20 mars 2015

Des hommes, le fil de la pierre et le bon cours de la rivière


Le cadastre de 1825 : une véritable carte au trésor pour qui veut connaître l’histoire de la Grosne à la Tallebarde.






Sur 100 mètres en pente régulière, le pré était traversé par un étroit canal (bief) qui amenait l'eau vers un bassin ; elle repartait alors en direction du bâtiment de la tannerie et corderie (actuelle maison de la Tallebarde). L'eau contournait ensuite la bâtisse pour alimenter plus loin un autre bief.

Si l’on descend dans la rivière, on y trouve encore des traces liées à ces aménagements : ce sont des pierres taillées, autrefois appareillées, et qui supportaient les ouvrages en bois des écluses destinées à réguler le cours de la rivière alimentant le bief, son bassin, son déversoir ... le bâtiment de la Tallebarde, et les terrains au-delà.





Ce système ingénieux de gestion et d’utilisation de l’eau remonte certainement au Moyen Âge et permet d’imaginer le site à l’époque (maisons en bois, tannerie, activités diverses liées à l’eau…). Mais la découverte de bouts de poteries gauloises révèle une occupation encore plus ancienne des lieux, tout comme les pierres cyclopéennes du chemin du Bûcheron et un menhir découvert aux Chassagnes. Le dégagement immédiat du pré sur un point élevé – Gros-Bois –, conforte la thèse de l’établissement d’un village gaulois au pied de cette montagne qui a dû servir d’oppidum (point haut fortifié) en des temps reculés.

Par ailleurs, lors des travaux d’assainissement à Ouroux en été 2014, le percement de la chaussée a permis de dégager un aqueduc d'1m20 de hauteur, intact sur 40 m de long. Il faisait probablement partie du réseau d’aqueducs romains mentionné par les historiens qui se sont penchés sur Ouroux, et a peut-être été remanié au Moyen Âge.



A moitié bouché par une argile épaisse (en lien avec la fameuse catastrophe de la Croix de l’Etang, où une partie d’Ouroux fut noyée sous les eaux ?) il partait du Pont de la Grosne, sur 80 mètres, en direction de l'Aye, route de Monsols. Malheureusement, cet ouvrage remarquable n'a pas résisté aux pelleteuses.

L’histoire d’Ouroux est marquée par la présence gauloise et romaine puis, du haut Moyen Âge jusqu'au XIIème siècle, par la famille de Nagu. Peut-être, lasse des influences de Cluny, celle-ci quitta-t-elle Ouroux pour Varenne (Quincié), faisant perdre son rayonnement à cette cité antique qui avec Dun, Resdunum (St Pierre le Vieux), Brandon (Branadunum), Suin (Segodonum) ... fermait la marche sud du pays Éduen. Aussi, jadis, les hommes suivaient le fil de la pierre et le bon cours de la rivière ...

Bien que l'histoire d'Ouroux soit marquée par la présence de l'eau, celle-ci « s'égare » parfois sur les documents officiels et en subit les dommages ... Par exemple un ruisseau, mal répertorié sur la carte, se trouve dans la réalité du terrain au pied de la station d'épuration de la Scoff. En 2014, la police de l'eau et la DDT sont intervenues pour rectifier cette erreur de tracé et déclarer en cours d'eau ce ruisseau qui descend de Gros-bois dans le pré de la Tallebarde.



Dans nos belles contrées nous sommes toujours un peu en retard ... mais face à de tels fourvoiements, nous pourrions prendre un peu d'avance ! Cette rivière classée et son cours d'eau, ce pré et cette bâtisse ne sont pas des lieux banals : ils appartiennent à l'histoire d'Ouroux, à sa physionomie, à son identité profonde. Aires de stockage de fumier et de lisier, cuves, méthaniseur et autre cogénérateur n'y ont pas leur place.

Faut-il tout laisser faire, et achever de détruire des sites encore préservés dont on se rendra compte plus tard – trop tard – qu'ils étaient la véritable richesse de nos territoires ruraux ?

Olivier Albert pour le CPVVGO

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